Durant la période janvier 2018-décembre 2020, le Bureau du vérificateur général (BVG) a contrôlé la gestion administrative d’un certain nombre de structures recevant un centime de l’état dont le Centre hospitalier universitaire l’Institut d’ophtalmologie tropicale d’Afrique (CHU-IOTA) sis à Bamako. Afin de corriger les cas d’anomalie décelés chez les soigneurs qualifiés d’anomalie de l’œil, le BVG a formulé des recommandations qui ont été mises en œuvre par la Direction de l’IOTA. De quoi s’agit-il ? Lire notre grand format.
Après son premier contrôle à caractère administratif effectué entre janvier 2018 et décembre 2020, le Bureau du vérificateur général (BVG) en se conformant à ses procédures qui l’exigent de repasser dans un service ayant reçu la visite de ses agents a, au titre des exercices 2022-2023, fait un second tour au Centre hospitalier universitaire l’Institut d’ophtalmologie tropicale d’Afrique (CHU-IOTA).
Objectif : vérifier de visu l’état d’exécution de la mise en œuvre des recommandations qu’il avait formulées lors de sa précédente mission. Ainsi, le BVG a constaté que sur les 17 points soulignés, 6 ont été satisfaits, 6 partiellement et 3 non exécutés. Concernant deux spécificités : le respect du quota de représentativité des femmes au sein des organes consultatifs de l’IOTA et la volonté d’initier une activité de promotion féminine, elles paraissent inapplicables. La bonne raison qui les justifie s’explique simplement par le manque irréfutable de ressource féminine qualifiée et la restriction budgétaire ne permettant de satisfaire les besoins indispensables recensés à fortiori de s’intéresser aux choses moins prioritaires.
Notre rédaction fidèle à sa démarche professionnelle, donc soucieuse de fournir une information saine à laquelle le public a droit, s’est rendue, le lundi 13 mai 2024, à la Direction générale du Centre hospitalier universitaire l’Institut d’ophtalmologie tropicale d’Afrique (CHU-IOTA). Elle fut accueillie par une secrétaire particulière qui l’installe dans la salle d’attente, le temps de l’annoncer à son patron. Ses va-et-vient ainsi que ses mots agréables à entendre, attestent que cette dame n’a triché au cours de sa formation. « Patientez-vous, le Directeur est en entretien avec ses collègues », nous a-t-elle priés.
Mais, à force de se morfondre, notre équipe assise depuis 10 h 50 dans un local propre, aux vitres transparentes et bien climatisé, s’est assoupie. Ne peut l’en vouloir, celle ou celui qui sait qu’à ce moment, le niveau du mercure à Bamako commence à monter, faisant transpirer les gens à grosses gouttes. Brutalement réveillés de temps à autre par des claquements de portes qui se font entendre après chaque sortie ou rentrée dans les bureaux, c’est aux environs de 12 h 50 que nous avons été, enfin, appelés. Quel ouf de soulagement ?
De loin, un homme apparait dans le couloir long et un peu sombre menant à la salle d’attente. Lui, (avons l’appris plus tard) est le Colonel Adama Issa Guindo qui retentit sa voix : « Messieurs, venez ! » En nous serrant la main, il déclara : « excusez-moi, ce matin, je suis trop occupé ». Habillé en Bazin vert-olive brillant et craquant, il nous devance avec ses pas véloces pour ouvrir la porte alu de son bureau et nous fait asseoir sur un fauteuil deux-places en l’indiquant au moyen de son index droit. Puis, on procéda avec le même rythme rapide aux présentations nécessaires en des pareilles circonstances.
Ce médecin-major ophtalmologue assumant depuis avril 2022 les fonctions du Directeur général adjoint (DGA) a également assuré l’intérim du Directeur général (DG) du Centre hospitalier universitaire l’Institut d’ophtalmologie tropicale d’Afrique (CHU-IOTA) à partir du 14 avril 2023. Sa confirmation fut actée en conseil des ministres tenu, le mercredi 8 avril 2024.
Imprégné du but de notre présence dans sa structure relatif au contrôle de sa gestion administrative effectué par le Bureau du vérificateur général (BVG), le Dg Guindo ne s’est attardé à réagir. « Nous avons clairement tout expliqué et en apportant les preuves », a fait savoir notre interlocuteur. Il se lève ensuite du siège qui fait face à l’ordinateur posé sur sa table et fait trois ou quatre pas en avant pour s’affaler, avec des papiers en main qu’il vient d’imprimer, dans un fauteuil une place contigu au nôtre. « Mon personnel et moi, avons photocopié et conçu toutes sortes de documents dont il a besoin. Tout a été fait ! Aujourd’hui, nous sommes intrigués de voir les conclusions du rapport du vérificateur général », a déploré sans détour le Colonel Adama Issa Guindo. « Nous sommes un établissement de soins qui recevons 250 à 300 patients à consulter par jour », a-t-il ajouté.
Il convient de signaler que les points d’achoppement entre le BVG et le CHU-IOTA portent principalement sur l’avis des organes consultatifs que le Dg doit requérir en vue de valider le budget annuel d’exploitation et d’investissement, l’approbation du manuel de procédure par le Contrôle général des services publics et le non-respect de l’approche genre qui, suivant la règlementation en vigueur, doit forcément prendre en compte la proportion de représentativité homme-femme dans les instances.
Aujourd’hui, seul ce dernier grief mis en exergue par le BGV n’est réalisable à hauteur du souhait. Et pour cause, les sacro-saints critères de désignation des membres exigent d’être Professeur en ophtalmologie afin de siéger au sein des organes consultatifs. Or de nos jours, affirme le Dg Guindo, le Mali entier n’a que deux femmes dans ce domaine. Il s’agit (coup de chapeau à elles) de Fatou Sylla en activité et de Jeannette qui, bien qu’ayant fait valoir ses droits à la retraite, a été rappelée (nécessité oblige) pour combler le criard déficit de ressource humaine féminine constaté au CHU-IOTA.
« Les postes de responsabilité dans les organes s’acquièrent par des voies électives et non nominatives », se défend le Dg Guindo. « Après la désignation d’un postulant ou d’une postulante par les pairs, la direction l’approuve par une décision. Mais, ne doit aucunement s’y interférer », a-t-il précisé dans sa réponse adressée au Bureau du vérificateur général (BVG).
À preuve, le Comité scientifique (CS) mis en place par décision n°0010/MSDS/CHU-IOTA du 16 janvier 2023 comporte une femme sur un total de 9 personnes. En outre, trois autres femmes furent nommées dans plusieurs commissions suivant les décisions n°0012 et n°0014 du 12 avril 2022 et n°041/MSDS-CHU-IOTA du 11 octobre 2022. En dépit de ces efforts, le BVG voit ce nombre insuffisant. Ce qui ne plairait au Colonel Adama Issa Guindo.
« À l’impossible, nul n’est tenu. Nous avons expliqué aux contrôleurs les processus, leur caractère légal et beaucoup d’autres aspects. Mais, ils ne nous comprennent pas », a-t-il déclaré. Concluant que de lui jusqu’au vigile assis à l’entrée du service, tout le monde est en train d’abattre un travail louable et titanesque.
Malgré les défis divers internes et externes à relever, un climat propice est instauré pour la réussite des objectifs visés. Ce qui garantit, aujourd’hui, le bon déroulement des prestations auxquelles les patients ont droit, le payement des ristournes trimestrielles des travailleurs provenant des recettes et la réalisation de 8000 interventions chirurgicales oculaires par an. Dix mémoires et dix thèses peaufinés (qui ont des coûts) sont aussi soumis, chaque année, par le Comité scientifique du CHU-IOTA à l’appréciation des experts pluridisciplinaires.
Pourtant, à cause des difficultés budgétaires, le fonds annuel de 60 millions de CFA destiné à la recherche est coupé depuis une décennie. Désormais, c’est grâce aux seuls clairvoyance et don de soi que l’équipe dirigeante restreinte parvient à mobiliser 40 millions de nos francs par an en vue de donner des moyens permettant au personnel retenu d’effectuer leurs projets de recherche. Et ce, jusqu’à l’amélioration de la situation financière globale du Mali espérée dans quelques années.
Voilà autant de résultats probants obtenus par la direction générale de l’IOTA qui constituent par la même occasion des facteurs supplémentaires d’encouragement pour les travailleurs. On sait que dans d’autres services sanitaires de notre pays (sans les citer nommément) le non payement des ristournes et l’incapacité même bien justifiée à trouver le fonds de recherche ont suscité le déclenchement des grèves d’une grande ampleur affectant les pauvres malades.
Par ailleurs, pourquoi se casse-t-on pour mener une recherche lorsque les résultats n’apportent généralement aucune solution concrète aux problématiques soulevées ou qui ne sont pas publiés et pour lesquels on avancerait des raisons de force majeure souvent difficiles à vérifier ? Dans ce contexte malien, en quoi contribue un projet de recherche au dispositif pédagogique ? Eh bien, on répond, qu’il servirait à élargir les avantages pécuniaires des docteurs et professeurs. Vrai ou faux ? Nous n’en savons pas trop.
En tout état de cause, le Bureau du vérificateur général (BVG) comme pour mettre « un peu d’eau dans son gnamakoudji », une expression dorénavant célèbre empruntée de l’autre visant à assouplir une position rigide prise, se serait montré moins sévère. En fait, au terme de sa mission de suivi de la mise en œuvre de ses recommandations émises au cours de son précédent contrôle, le BVG a constaté avec satisfaction que la gestion administrative s’améliore à l’IOTA. Pour preuve, le Dg Adama Issa Guindo a élaboré un projet d’établissement pour la période 2023-2027 et l’a fait adopter par les membres du Conseil d’administration à travers la délibération n°001 du 22 mars 2023.
Mais, où en est-on avec le coût et le plan annuel de maintenance des équipements médicaux et celui ayant trait à la formation du personnel qui en est chargé ? A-t-il été approuvé ? Si oui, par qui ? Si non, pourquoi ? Le manuel de procédure dont les dispositions définissent et répartissent les responsabilités de chacun pour des tâches précises est-il validé par le Contrôle général des services publics du Mali et le Conseil d’administration ? Quelle impression certains patients (vieux et enfants rencontrés hors des locaux) donnent-ils à propos de la qualité des services fournis au CHU-IOTA qui a aussi une vocation continentale ? Les éléments de réponse dans notre prochaine parution.
La rédaction