Trop de produits alimentaires importés au Mali : L’ANSSA pour ou contre les consommateurs ?

Vu la vague des produits locaux transformés et ceux importés qui inondent actuellement nos marchés, l’Agence nationale de la sécurité sanitaire des aliments (ANSSA) joue-t-elle son rôle ? Créée en décembre 2003, veille-t-elle à l’application de la loi n°92-013 qui institue le Système national de normalisation et de contrôle de qualité au Mali ? Lire notre dossier.

Quand on met les pieds, pour la première fois, à l’intérieur de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire des aliments (ANSSA), la première chose qui frappe l’attention est la vétusté de ses locaux. En atteste, l’architecture obsolète de son bâtiment qui daterait de l’époque coloniale. Sa toiture double pente en tuile ou en tôle victime des pluies, la fine couche de sa peinture tombant des murs et du plafond conséquence de l’humidité constante, ses carreaux ternes portant les cicatrices du temps vécu, ses portes et vitres dignes de l’antiquité et les eaux instillées qui écoulent sur le sol des couloirs étroits provenant du compresseur des différents climatiseurs, en disent trop.

Bref, cette vue panoramique moins joviale exprimerait la vie végétative de l’ANSSA. Donc, il est difficile, explique notre source qui a requis l’anonymat, pour que ce service réussisse à assurer la maitrise de la qualité des aliments proposés à des millions de Maliens par certains importateurs et fabricants peu scrupuleux. Les consommateurs lettrés envahis par les produits aux composants et provenances divers, au sujet desquels, moins d’informations fiables seraient disponibles, ont alors adopté un légitime comportement de méfiance.

Ils ont raison car, une grande partie de leur état de santé en dépend. Mais au regard des risques à éviter, quel est le sort de celles et de ceux qui n’ayant jamais été à l’école ignorent, tout comme d’ailleurs certains intellectuels, la raison d’être de cette Agence nationale de la sécurité sanitaire des aliments (ANSSA) ? Lisent-ils la table de matières et vérifient-ils la date de péremption (falsifiée ou non) des produits alimentaires (locaux ou importés) dont ils achètent à longueur de journée ?

C’est pourquoi, une question vitale se pose aujourd’hui : l’ANSSA aurait-elle assaini, comme souhaité, la procédure de délivrance autorisant la mise sur le marché des conserves et du contenu des emballages qui constitue sa principale mission ? Difficile de répondre. Cependant, le nombre croissant des magasins d’alimentation qui s’ouvrent au bout des rues serait proportionnel au laisser-aller célébré dans ce secteur si important de notre pays.

Sommes-nous abandonnés à notre destin ?

Certes, le commerce est une activité légale dont le but consiste à produire des gains pour ceux qui la mènent, mais pas au mépris de la santé des concitoyens. Les laiteries, biscuiteries, glaceries surtout les unités qui font l’ensachage d’une variété de produits locaux pour les mettre dans les marchés répondent-elles aux normes de santé sécuritaire ? L’opacité demeure totale dans ce domaine.

Ainsi, l’Agence nationale de la sécurité sanitaire des aliments (ANSSA), le Laboratoire national de la santé (LNS), le Service de la règlementation et du contrôle et d’autres structures compétentes étatiques intervenant dans ce secteur seraient, de nos jours, supposés de s’écarter d’un processus qui est le leur. Celui visant le respect de la notion des règles d’hygiène devant être imposée sur toute la chaine des aliments au Mali.

Pour quelle raison tarde-t-on à instaurer la responsabilisation des fabricants sur la qualité des aliments qu’ils offrent à leurs compatriotes ? Le manque du budget de la part de l’Etat ou une raison inavouable ?

En vue d’éclairer la lanterne du public sur tous ces aspects et celle des partenaires multilatéraux de notre pays évoluant dans ce domaine, notre rédaction s’est rendue, pour la première fois, le lundi 6 mai 2024, à l’Agence nationale de la sécurité sanitaire des aliments (ANSSA). Elle fut reçue par Bakary Diarra Directeur général entouré de ses deux collaborateurs : Adama Traoré et Djibrila Haïdara.

La logorrhée annihile l’acte

Le rôle prépondérant que joue leur service à propos de ce que nous mangeons et buvons a été nos mots introductifs. Sans auto-flatterie, ce jour-là, Bakary et ses sbires ont salué cet esprit constructif de notre démarche qui fut également perçue comme une coïncidence heureuse dans un pays où les croyances anciennes sont parfois considérées.

En effet, il est rare de rencontrer, pour une première prise de contact, trois responsables (tous des hommes) réunis sous la véranda, prêts à s’asseoir dans un bureau pour une séance de travail, annoncée longue. Ce qui prouverait aussi, pour les gens pourvus de bon sens, le cadre déontologique et éthique dans lequel, s’inscrit le but de notre dévouement.

Mais hélas, de ce lundi 6 mai 2024 jusqu’à la parution du présent article, Bakary Diarra et Djibrila Haïdara n’ont cessé de nous faire tourner en toupie. Jamais en panne d’argument, ils n’ont pu décourager le journalisme piochant que menons depuis plus d’une décennie. À preuve, nous les avons appelés et rappelés au téléphone, avons passé et repassé à l’ANSSA sans obtenir gain de cause.

Les prétextes indénombrables avancés par Bakary et compagnie pour se soustraire d’un exercice consistant à fournir des informations qui est loin d’être contraignant sont fallacieux. En voici quelques extraits triés à titre illustratif : mettez vos questions au propre en les imprimant sur des pages au format A4 (nous l’avons fait), adressez-nous une correspondance (avons obéi), on ne peut se prononcer sur certains de vos sujets évoqués (nous ne pouvons rien exiger), rappelez-nous à telle date (nous avons fait sonner le portable de l’agent Djibrila), monsieur X est en déplacement (le doute s’est installé) madame Y n’a pour le moment donné sa réponse (nous avons tiré la conclusion).

Autant de balivernes tenues qui ont fini par nous convaincre que Bakary et Djibrila ne veulent lâcher un mot si minuscule soit-il ayant trait à nos questions sur la sécurité sanitaire des aliments que nous consommons. Du lundi 6 mai en juillet 2024, ils furent pourtant contactés à maintes reprises par nos soins, au prix d’énormes efforts physiques de va-et-vient dans une ville de Bamako où les embouteillages constituent, à part entière, un véritable parcours de combattant.

L’ANSSA offre-t-elle une onction de sainteté aux NBB ?

Finalement, nous avons décidé de ne plus franchir le seuil d’entrée de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire des aliments (ANSSA), non par découragement mais à cause de ses responsables qui ont brillé par le non-respect de leurs paroles. Autre temps autre responsable, sinon qui osait prendre à la légère sa parole donnée ? Personne !

Surtout qu’on avait en main en tant que consommateurs, une boisson Spirite produite par les Nouvelles brasseries bamakoises (NBB). Servie au cours d’une cérémonie de mariage déroulée en Commune I du district de Bamako, sa date de validité avait suscité la polémique au sein des convives tous profanes en la matière.

Ce lundi 6 mai 2024, en jetant un coup d’œil expert sur le goulot externe de ladite boisson grâce à une loupe professionnelle ronde à manche oblongue rapidement prise sur la table d’un bureau d’à côté, Bakary Diarra Directeur général et ses deux collègues (Adama Traoré et Djibrila Haïdara) ont tenu un langage clair. « La date d’autorisation de mise sur le marché de cette marque de Spirite produite par la société Madjou Simpara est expirée », ont-ils déclaré. Ajoutant que c’est illégal si (au conditionnel) elle ne procédait pas au renouvellement de cette formalité.

Ils ont, cependant, précisé que la date de péremption (à ne pas confondre avec le délai d’autorisation de mise sur le marché du produit) n’est pas arrivée à échéance. « La date seule n’est pas importante. Les rayons solaires et la chaleur qu’ils émettent peuvent également détériorer les produits entassés à ciel ouvert pour la vente », avaient prévenu Bakary Diarra et ses collaborateurs.

Auraient-ils, plus tard, eu peur de la portée de leurs allégations ou reçu une instruction émanant du ministère de la santé qui a tendance à verrouiller les infos liées aux activités des structures relevant de lui ? Les NBB auraient-elles graissé quelqu’un ? Pourquoi, l’ANSSA ne veut effleurer le montant payé en échange d’une autorisation de mise sur le marché d’un produit et celui de son renouvellement ? À quoi servent les recettes provenant de ces procédures ? Nous n’avons obtenu aucune réponse.

En optant pour la rétention d’information, l’ANSSA ne sert les populations qui ont le droit d’être édifiées sur les produits alimentaires inondant les marchés. Serait-elle de mèche avec les importateurs dont certains n’ont le souci que pour le lucre qu’ils amassent au détriment de la santé du public à préserver ? Cette question mérite d’être posée quand on sait que le volet sensibilisation des consommateurs occupe aussi une grande place parmi les missions confiées par l’Etat à l’ANSSA.

À partir du moment où les dates de péremption sont sujettes à la falsification loin des yeux au moyen d’un appareil et d’une substance venus d’un pays asiatique, la liste nominative des ingrédients de base d’un produit alimentaire peut-elle subir le même sort ?

À suivre

La rédaction

 

Encadré

L’utilisation du logo de l’ANSSA par les sociétés est-elle normale ?

« Oui ! », répond son DG Bakary Diarra

Il a été constaté que la société qui produit l’eau dite Diago et les Nouvelles brasseries bamakoises (NBB) font apparaitre sur l’étiquette enroulée autour du goulot externe de leurs boissons, le logo de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire des aliments (ANSSA). Ce fait est-il assimilable à une pratique de favoritisme ou de concurrence déloyale ?

Le lundi 6 mai 2024, Bakary Diarra Directeur général de l’ANSSA a répondu qu’elles peuvent l’utiliser dès l’obtention des documents de mise sur le marché de leur produit autorisé. Soulignant que cela ne constitue en rien une quelconque publicité. On s’en tient à sa déclaration.

En revanche, certains estiment que les fabricants locaux et importateurs d’aliments doivent se limiter à faire apparaitre sur leurs marques les références d’autorisation attribuées à eux par l’ANSSA. L’impression de son logo servirait ipso facto de label publicitaire quand on sait que le contenant et le contenu peuvent être changés à des fins trompeuses.

La très réputée commission nationale d’autorisation de mise sur le marché et le sain Conseil d’administration de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire des aliments (ANSSA) doivent songer à revoir les conditions d’utilisation de son logo. D’ailleurs, on ignore les critères de désignation des membres de ces deux entités. Sont-ils choisis par ancienneté ou jeune d’âge, selon le grade académique ou le népotisme ?

En permettant ce qui peut s’apparenter à une connivence qui ne dirait pas son nom, cette structure perdrait sa neutralité nationale en devenant une sorte de sponsor officiel ou d’agence de communication attitrée pour ces multitudes de sociétés et importateurs d’aliments et de boissons dont certains de leurs ingrédients seraient inconnus au Mali ou interdits en Europe. À titre illustratif, le phtalate, l’aspartame et autres.

Oumar Bah

 

Encadré

Flambée du prix des denrées de première nécessité

Où est la Direction générale du commerce et de la concurrence ?

 

Le gouvernement de la transition conscient de la flambée du prix des denrées de première nécessité qui frappe actuellement de plein fouet les familles, a renoncé à beaucoup de taxes perçues sur l’importation afin d’atténuer la souffrance des Maliens. Mais, force est de constater que l’impact de ces mesures est moins visible au niveau du budget des ménages.

Comment expliquer cet état de fait ? Ils sont nombreux à répondre à cette interrogation en pointant un doigt accusateur sur la Direction générale du commerce et de la concurrence (DGCC). Ils le font en se référant aux principales missions confiées à ce service qui sont : la lutte contre la fraude, le contrôle de l’effectivité des prix plafond ainsi que celui du poids et de la qualité des produits de grande consommation entre autres.

Selon certains citoyens, cette DGCC ne jouerait pas son rôle de manière efficace. Elle doit se montrer sévère en mettant en place un mécanisme de veille et de répression face aux cas de fraude et de non-respect des prix qui caractérisent les marchés Maliens.

À défaut, ses agents assermentés qui effectuent le contrôle sur le terrain seraient suspectés d’être en complicité passive avec certains commerçants grossistes et détaillants qui n’ont de souci que pour le gain. Ainsi, pour le bonheur des pauvres que les empêche-t-il de traquer, d’interpeller et de sanctionner les fraudeurs conformément aux textes ? La réaction punitive du ministère de l’économie et des finances est impatiemment attendue.

Oumar Bah

 

 

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