En accusant des soldats français de la Légion étrangère d’avoir un comportement déplacé dans les « Pigalle de Bamako », l’ambassadeur du Mali en France a provoqué un grave incident diplomatique. Le ministre malien des Affaires étrangères est actuellement à Paris, pour désamorcer la crise.
« Je vais vous parler franchement, dans ces forces il y a les officiers, il y a l’armée normale, mais il y a aussi les légions étrangères et c’est là le problème. (…) Je vous dit, en vous regardant droit dans les yeux que par moments, dans les « Pigalle » de Bamako, vous les y retrouvez tatoués sur tout le corps, en train de rendre une image qui n’est pas celle que nous connaissons de l’armée nationale du Mali. Ça fait peur, ça intrigue et ça pose des questionnements ». L’ambassadeur du Mali en France a-t-il eu conscience de l’incident diplomatique qu’il venait de déclencher en prononçant ces quelques phrases lors d’une audition devant des sénateurs français ?
« Vous avez stigmatisé l’armée française »
L’ambassadeur s’exprimait dans le cadre de l’audition des ambassadeurs des pays du G5 Sahel devant la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat français, mercredi. Et Toumani Djimé Diallo avait pourtant pris soin d’employer, d’abord, des termes soigneusement pesés.
« Le président Ibrahim Boubacar Keïta l’a dit : tous ceux qui aujourd’hui au Mali appellent au départ des forces étrangères et notamment Françaises sont des ennemis, des complices des djihadistes », a-t-il notamment déclaré. Il a également affirmé qu’il « n’y a pas véritablement de sentiment anti-français au Mali », mais un « ressenti au sein de la population » vis-à-vis de la présence militaire française, notamment faute de victoire « plus probantes ».
Mais la petite phrase sur les légionnaires n’est pas passée. Et les propos « francs » du diplomate malien ont immédiatement déclenché la colère de plusieurs des parlementaires français présents. Séance tenante, Jean-Marc Todeschini, vice-président de la Commission, a exprimé son indignation.
« Vous avez stigmatisé l’armée française à travers des comportements certainement vrais de certains soldats », a regretté le sénateur. Vous n’ignorez pas qu’au sein du ministère de la Défense, tout cela est surveillé de près. Mais ces sujets doivent remonter aux états-majors et dans les discussions politiques que nous avons de cabinet à cabinet. Si vos propos sont repris, cela va contribuer à renforcer ce que nous dénoncions. » À savoir le sentiment anti-français qui gagne du terrain dans une frange de l’opinion publique ouest-africaine, et malienne en particulier.
Le soir même, l’état-major français a rétorqué que les légionnaires n’étaient pas stationnés à Bamako, assurant par ailleurs que ceux-ci « n’ont ni quartier libre ni temps de repos hors des bases opérationnelles » de Barkhane, situées dans le nord du pays. Quant au cabinet de Florence Parly, la ministre française des Armées, il est aussi monté au front, assurant qu’il n’y a « quasiment plus de soldats français stationnés à Bamako ».
Dès le lendemain, jeudi, Toumani Djimé Diallo a été convoqué au ministère français des Affaires étrangères. « Nous lui avons exprimé notre indignation devant ses propos sans fondement et choquants de la part d’un pays allié dans la lutte contre le terrorisme », confie à Jeune Afrique une source au Quai d’Orsay.
Tiébilé Dramé à Paris pour désamorcer la crise
À Bamako, l’incident est pris très au sérieux. D’autant plus que les autorités ont, ces dernières semaines et dans la foulée du sommet de Pau, multiplié les déclarations pour prendre leurs distances avec des figures du mouvement réclamant le départ des forces étrangères du pays. Parmi elles, le député du Rassemblement pour le Mali (RPM, au pouvoir), Moussa Diarra, qui a dû rendre sa carte du parti.
Le ministre malien des Affaires étrangères, Tiébilé Dramé, s’est rendu aujourd’hui vendredi 28 février 2020. Il a rencontré à l’Élysée Franck Paris, le président Emmanuel Macron, après des entretiens avec Florence Parly, la ministre des Armées. L’objectif, désamorcer la crise, et « renforcer les relations d’amitié et de coopération entre les deux pays ».
Source Jeune Afrique