Le directeur de la radio Kumakan de Bla, Ismael Konaté fait l’objet de poursuite judiciaire pour trouble grave à l’ordre public. Ismael Konaté avait été interpellé à la suite d’une affaire que lui-même nous a fait le décryptage.
Selon M. Konaté, que nous avons joint par téléphone, tout a commencé avec l’arrivée d’un projet d’électrification à Bla dans la région de Ségou. Lors de la première rencontre avec les porteurs du projet, les autorités locales n’ont pas voulu que de la couverture, précisément l’enregistrement des éléments sonores par les animateurs radios sur place.
Pa la suite, le Maire de Bla a rapproché Ismaël pour avoir son soutien dans le cadre de la sensibilisation de la population, afin que le projet puisse être implanté à Bla. Le Maire soutient que le projet vient de la Banque Mondiale et les personnes touchées par le projet seront dédommagés au barème de la Banque Mondiale. À savoir que ledit projet couvre un espace de 200 hectares.
« J’ai commencé la sensibilisation à la radio mais les gens s’opposaient au projet. J’animais l’émission et je faisais la libre antenne par téléphone. J’ai constaté à travers les appels téléphoniques que la population n’adhérait pas au projet. Par finir, j’ai compris que je devais chercher à en savoir plus, avant de lancer une telle sensibilisation à l’antenne », dit Ismael Konaté.
Il dira que ses enquêtes lui ont révélé que le refus des populations se situe au niveau de l’espace d’implantation du projet, estimé à 200 hectares. Les propriétaires terriens voient le projet comme un modèle d’accaparement des terres, malgré les indemnisations proposées par les porteurs du projet.
« J’ai continué mes enquêtes. Lors d’une rencontre, les jeunes de Bla ont posé beaucoup de questions aux porteurs du projet, qui ont fini par avouer que le projet n’est pas pour la Banque Mondiale et il n’est également pas destiné à Bla. Ils disent que le projet est de « Phanes Group » basé à Dubaï. Ce groupe est producteur de l’électricité à vendre à EDM (Énergie Du Mali). Bla pourra donc profiter seulement avec l’EDM. Ils disent qu’ils peuvent électrifier certaines écoles de la ville de Bla, assurer les infrastructures routières et doter de matériels le CSREF de Bla. Ces offres ont été faites au conditionnel », précise notre confrère, Ismael Konaté.
De retour à l’antenne, le directeur de la radio Kumakan donne ces dernières informations à la population. Parlant du document de projet, le groupe n’en possède pas et Ismael précise cela à l’antenne.
Par la suite, la situation se complique et les rapports se durcissent entre les parties. Les familles autochtones ou chefs coutumiers s’opposent à la réalisation du projet. Ils refusent de mettre leur terre à la disposition du projet. Finalement le préfet s’en mêle. Il fait emprisonner 10 membres de ces familles fondatrices. Elles sont accusées de vouloir attaquer à main armée les porteurs du projet, lors d’une visite sur le terrain.
Les épouses des 10 détenus vont démarcher le procureur et le préfet. Elles demandèrent la libération de leurs époux, arrêtés illégalement selon elles. C’est de là que Ismaël Konaté est cité comme étant à l’origine de cette incitation à la violence, à travers ses émissions radiophoniques.
Quand il a été interpellé, Ismaël demande au procureur de revoir les enregistrements de ses émissions s’il a toutefois poussé les femmes à marcher. Mais le procureur revient à la charge et le met sous mandat de dépôt le jeudi 16 mai 2019 pour trouble grave à l’ordre public.
La Presse se mobilise
Ce fut un grand moment, réseaux sociaux, journaux, radios commencent à en parler. Beaucoup d’hommes de médias ont analysé cette arrestation comme une entrave à la liberté d’expression. L’URTEL (Union des Radios et Télévisions Libres du Mali) s’est fortement impliquée. Les communiqués seront faits pour dénoncer la manière dont Ismaël a été privé de sa liberté.
Finalement, après 6 jours de détention, il est remis en liberté provisoire le Mardi 21Mai 2019. Il se présentera le lundi 27 Mai 2019 au tribunal de Bla. Son jugement fond est prévu pour le mois de juillet 2019.
Ismael Konaté nous préciser qu’en ce moment, les porteurs du projet ne sont plus basés à Bla mais à Touna, à une vingtaine de kilomètres de Bla. Le constat pour lui, est que le projet « Phanes Group » a créé la zizanie à Bla et a fortement contribué à dégrader la cohésion sociale existante à Bla.
Affaire à suivre.
Salia Ben Youssouf
