Quand tradition, mysticisme, religion et modernité s’affrontent, le clash est inévitable. La preuve par cette rocambolesque histoire de vol, suspicions, croyances et mythe._
Association de Santé Communautaire de la Commune Rurale (ASACO) de Kambila, Cercle de Kati, Région de Koulikoro à environ 4 km de la ville de Kati: c’est ici, dans la nuit du 05 au 06 novembre 2023, qu’a lieu un cambriolage. Les voleurs ont défoncé la porte de la pharmacie située dans l’enceinte même de l’ASACO et emporté la somme de 500 mille F CFA.
Qui donc a fait le coup ?
La gendarmerie de la localité fut chargée de le découvrir. Tous les membres du personnel furent ainsi invités à répondre aux questions des enquêteurs. Mais les interrogatoires et recherches durant 04 longs mois ne donnèrent rien. Aucun suspect n’a été appréhendé. Pour clarifier les choses, le personnel de L’ASACO, avec l’accord du chef de village a fait appel, le mercredi 28 février 2024 au grand Maître du « Pilon magique » du village.
Le « Pilon magique » ou « Kolonkalani » en bamanankan, est un long tige de bois ayant tout l’air d’un pilon (d’où son appelation) enveloppé dans une toile blanche serti d’objets mystiques.
Présumé doté de pouvoirs surnaturels, celui des jihnns en l’occurrence, il est censé conduire au véritable auteur d’un forfait où qu’il se trouve. Il est porté par trois gaillards qu’il trimballe jusque dans l’antre du voleur.
C’est sur impulsion du grand Maître que les jhinns du « Kolonkalanin » se manifestent.
Au fur et à mesure que le prêtre prononce des incantations, le « Kolonkalani » s’agite et prend vie, du moins en apparence. Et à ce stade, c’est désormais lui qui prend le contrôle des trois personnages censés le supporter. Il arrive qu’il leur fasse traverser des rivières, escalader des murs… Rien n’arrête le cortège mystique dans les limites du village en question.
A noter que dans les milieux traditionnels, le verdict du « Kolonkalani » sont sans appel. C’est à cette pratique mystique que les acteurs décidèrent donc de faire appel suite à l’échec des enquêteurs modernes.
« Kolonkalani » s’est alors dirigé avec son équipage vers le domicile de BINA TANGARA, agent de santé, en donnant un coup violent à la porte. « J’étais à Kati en mission a quelques kilomètres de notre village KAMBILA » s’insurge Bina Tangara lui-même.
C’est ainsi que le même jour, mercredi 28 février 2024 BINA reçoit un appel téléphonique de la part de PASCAL SANGARÉ, président de L’ASACO, l’invitant à regagner Kambila au plus vite. Pascal mit d’ailleurs un motocycliste à sa disposition pour ce faire.
« J’ignorais tout…
Sur place, j’ai été conduit au milieu de la foule et en présence du chef du village et ses conseillers, les membres de L’ASACO et de certains ressortissants de villages environnants de Kambila.
C’est alors qu’ils m’ont qualifié de voleur et m’accusant d’avoir cambriolé la pharmacie et emporté une somme d’argent… J’étais abasourdi ! Bien entendu, j’ai rejeté les accusations. Je n’étais même pas sur place à Kambila le jour du présumé cambriolage. Je me trouvais à Kati et cela est encore vérifiable. J’ai alors demandé, pour ma défense, que mes accusateurs amènent le CORAN et que tous, nous jurions en présence de l’Imam de la mosquée. Mais le Maître du « Kolonkalani » refusa et resta droit dans ses bottes. Il m’a même menacé de mort si je ne me confesse pas.
Et la même chose arrivera, dit-il, à quiconque filmera ou photographiera cette mysthique scène de KOLONKALANI. Mais je continuais de rejeter les accusations. Alors que je parlais, je reçus un violent coup de massue sur la tête. C’était le pilon porté par les trois gaillards. Gravement blessé, je perdis connaissance.
J’appris plus tard qu’une fois admis au CHU (Centre Hospitalier Universitaire
) de Kati, le médecin traitant fit alerter la gendarmerie après avoir relevé les marques évidentes
d’un CBV (Coups et Blessures Volontaires).
J’ai porté plainte devant le tribunal de grande instance de Kati le vendredi 01 mars 2024 contre quatre personnes présentes sur la scène au moment des faits.
ll s’agit de AMARA BABLEN KANE, Chef de village de Kambila, PASCAL SANGARÉ, Président de l’ASACO, DRISSA KANÉ et SOIBA FANÉ…
Je veux juste que la vérité soit. Mon honneur et ma dignité ont été souillés. J’ai été publiquement et injustement humilié, insulté et agressé… Alors que la vérité soit ».
L’affaire est en cours. Et il nous revient que la gendarmerie a d’ores et déjà reçu un soit-transmit en vue d’interpeller tous les suspects.
A suivre
Issiaka Coulibaly