Le Premier ministre malien a accusé samedi 25 septembre la France d’un « abandon en plein vol » avec sa décision de retrait de la force Barkhane. La Russie a confirmé que Bamako avait approché « des sociétés privées russes ».
« La nouvelle situation née de la fin de Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli et l’exposant à une espèce d’abandon en plein vol, nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome avec d’autres partenaires », a affirmé Choguel Kokalla Maïga à la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies.
Il s’agit de « combler le vide que ne manquera pas de créer la fermeture de certaines emprises de Barkhane dans le nord du Mali », a précisé le Premier ministre, déplorant un « manque de concertation » et une annonce « unilatérale » sans coordination tripartite avec l’ONU et le gouvernement malien.
Dans un contexte de menace jihadiste accrue, « l’opération française Barkhane annonce subitement son retrait en vue, dit-on, d’une transformation en coalition internationale dont tous les contours ne sont pas encore connus« , a aussi dit Choguel Kokalla Maïga. Et d’ajouter : « en tout cas, pas de mon pays, pas de notre peuple ». « L’annonce unilatérale du retrait de Barkhane et sa transformation n’ont pas tenu compte du lien tripartite qui nous lie », l’ONU, le Mali et la France. « Le Mali regrette que le principe de consultation et de concertation, qui doit être la règle entre partenaires privilégiés, n’ait pas été observé en amont de la décision », a poursuivi le Premier ministre malien.
Choguel Kokalla Maïga a réclamé qu’au vu de l’évolution à venir, la mission de paix Minusma de l’ONU et ses 15 000 Casques bleus aient « une posture plus offensive sur le terrain ». Il a enfin assuré qu’il n’y avait « pas de sentiment anti-Minusma au Mali, pas plus qu’un sentiment antifrançais ».
Contacts confirmés avec Wagner
Lors d’une conférence de presse à l’ONU peu avant, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, avait confirmé que Bamako avait approché « des sociétés privées russes », assurant que cette démarche ne concernait en rien le gouvernement de la Fédération de Russie.
La France et l’Union européenne se sont inquiétées de ces contacts entre le Mali et la Russie au cours d’échanges à New York. « Les autorités maliennes se sont tournées vers une société militaire privée russe parce que, si je comprends bien, la France veut réduire significativement ses forces militaires qui devaient combattre les terroristes à Kidal », a avancé le ministre russe. Les Français « n’y sont pas arrivés et les terroristes continuent de régner dans cette région », a-t-il ajouté, caustique à l’égard de Barkhane.
« Tout cela se fait sur une base légitime », entre un « gouvernement légitime, reconnu par tous » et des entités qui « fournissent des services à travers des spécialistes étrangers », a-t-il fait valoir. « Nous n’avons rien à voir avec cela », a encore assuré Sergueï Lavrov. La Russie dément systématiquement que des sociétés paramilitaires privées russes lui soient subordonnées.
Inquiétudes
Treize pays européens, impliqués pour certains dans la coalition de forces spéciales « Takuba » au Mali, ont jugé inacceptable une éventuelle implication du groupe Wagner dans ce pays. La France, l’Allemagne et l’Estonie sont allées plus loin, avertissant qu’elles réexamineraient leur présence militaire au Mali si un accord était conclu.
Outre l’ONU, l’Union européenne (UE), qui assure la formation de soldats maliens par l’intermédiaire de sa mission EUTM Mali, composée de 700 soldats de 25 pays européens, a averti qu’une implication de cette société russe affecterait « sérieusement » ses relations avec Bamako.
« Dire “j’étais là en premier, dégagez !”, c’est insultant, en premier lieu pour le gouvernement à Bamako qui a invité des partenaires étrangers », a rétorqué Sergueï Lavrov.
Avec AFP