Mendicité des enfants à Bamako : Zoom sur le « Flani Yala », une forme d’exploitation des enfants

Le phénomène de la mendicité prend de plus en plus de l’ampleur au Mali. En 2017, une organisation non gouvernementale a compté 805 enfants mendiants dans les rues de la capitale malienne. Parmi ces enfants mendiants, il y’a les jumeaux, appelés en bambara les Flani.

Une pratique encouragée par la tradition

Au Mali, certaines pratiques tirent leur origine de la tradition,  c’est le cas de la mendicité des jumeaux.

Selon Ali Diabaté, griot traditionnaliste, avant, les gens donnaient l’aumône aux jumeaux dans l’espoir de se protéger contre certains méfaits de la nature comme les maladies graves incurables.

En même temps, celui qui donne aux jumeaux est censé bénéficier de leurs pouvoirs surnaturels.

«  Aux temps de notre plus jeune âge, les jumeaux ne courraient pas les rues. Ils se regroupaient devant la cour familiale. Et c’est de là qu’ils recevaient l’aumône. C’était une question de tradition et non de gain. Enfants de riches ou pauvres, tous les jumeaux s’adonnaient à la pratique » affirme-t-il.

Exploitation sans scrupule

Le « Flani yala » est devenu un métier pour certaines femmes. Elles sont nombreuses à occuper les abords et trottoirs des principaux axes de Bamako. Ou encore, elles font le porte à porte avec les enfants.

Et c’est un métier qui rapporte.  « C’est devenu un travail et c’est avec ça que je gagne ma vie et je m’occupe des enfants aussi. Il est impossible pour moi de passer une journée sans avoir 1000 F. Dès fois je peux avoir jusqu’à 20 000, et c’est fréquent les lundis et Vendredis » nous livre Lala.

Le comble est que certaines femmes louent même des enfants pour les faire mendier en tant  « Flani » alors qu’ils ne le sont pas.

Mariam nous explique comment ça se passe.

Elle dit se rendre généralement dans les quartiers défavorisés de Bamako, pour les locations d’enfants. Je lui ai demandé, combien elle paie pour avoir les enfants. Elle répond : « cela dépend de l’accord avec les parents. Pour les parents qui veulent être payés en avance, je ne dépasse pas 1000 F par enfant. Par contre avec certains, c’est du 50/50, nous partageons les revenues journalières ».

Une pratique doublement punie par la loi

Au Mali, ce ne sont pas les lois qui font défauts, mais plutôt leur application. Le « Flaniya » est en même temps la mendicité et le travail des enfants, tous deux sont interdits par la loi.

La mendicité est définie par l’article 183 du code pénal malien, qui stipule que : Toute personne valide et majeure qui aura été trouvée mendiant sur la voie publique sera punie de quinze jours à six mois d’emprisonnement.

Seront punies des mêmes peines, les personnes invalides qui, pendant la durée de leur séjour dans les formations hospitalières ou charitables, auront été trouvées mendiant dans les lieux publics.

En toutes circonstances, l’incitation à la mendicité est interdite. Toute personne convaincue d’incitation à la mendicité est sujette à poursuite.

Toutefois, si la personne incitée à la mendicité est un enfant mineur, le coupable sera puni de trois mois à un an d’emprisonnement.

Pour ce qui est du travail des enfants, les références en la matière sont la loi n 92-020 du 23 Septembre 1992 portant code du travail et le décret n 96- 178 du 13 Juin 1996 fixant les modalités d’application de diverses dispositions du code de Travail et les dispositions des articles D 189-14, D 189-15 et D 189-21 du décret n 96-178 traitent expressément de la question.

Il ressort de ces différents articles ce qui suit : Les enfants ne peuvent être employés dans aucune entreprise, même comme apprentis avant l’âge de 14 ans, sauf dérogation écrite accordée par le ministère chargé du travail dans les établissements de quelque nature qu’ils soient y compris les entreprises familiales.

Il est interdit d’employer les enfants âgés de moins de 18 ans à des travaux excédant leur force, présentant des causes de danger ; ou qui, par leur nature et par les conditions dans lesquelles ils sont effectués, sont susceptibles de blesser leur moralité.

En attendant l’application de la loi, les Flani (jumeaux) sont exploités à longueur de journée et exposés à plusieurs dangers, accidents, maladies et famine.

Tradition ou pas, la mendicité des enfants, particulièrement le « Flani yala » est une pratique qui doit cesser.

Issa ONGOIBA

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