A la mairie de la Commune Rurale de Dogofri dans le cercle de Niono, la maxime « charité bien ordonnée commence par soi-même » n’est pas une vaine expression !
Jusqu’ici, les maires de nos communes étaient réputés pour leurs opérations de ventes illicites de parcelles à usage d’habitations ou des concessions rurales. Le phénomène est si courant que les litiges fonciers ont toujours occupé le devant de la scène médiatique et même musicale.
En effet, il y a de cela quelques années, le fameux groupe « Tata Pound » avait produit un single à succès, dans lequel il prenait à partie les maires pour leurs fausses promesses électorales, leur manque de réalisation d’infrastructures et aussi surtout leurs ventes illicites de parcelles à usage d’habitation.
Voilà qu’à la faveur de la crise que connaît notre pays depuis 2012, surfant sur la misère des populations, certains édiles n’hésitent pas à s’enrichir aux dépens des populations nécessiteuses. L’exemple nous vient de la mairie de la Commune rurale de Dogofri dans le cercle de Niono.
En effet, dans le cadre du programme d’appui à la sécurité alimentaire, en juillet 2019, le Commissariat à la Sécurité Alimentaire a fait don de 59 tonnes de mil soit 590 sacs de 100kg chacun, à la Commune Rurale de Dogofri.
Après réception de la donation, le 30 juillet 2019, la mairie a mis en place une commission de distribution des dons au bénéfice de 4 personnes, tous des conseillers municipaux.
Le vendredi 02 août 2019, la commission s’est réunie pour entamer la distribution des céréales. Appliquant à la lettre la maxime selon laquelle « la charité bien ordonnée, commence par soi-même », les membres de la commission s’octroient chacun 15 sacs soit 60 sacs.
Après, 90 sacs sont chargés dans un camion ; destination inconnue. Plus tard on saura que sur les 90 sacs chargés, 5 seront déposés dans le magasin d’un homme connu pour ses activités opaques. Dans le camion, il reste 85 sacs. A la vue du camion chargé de sacs mil, un jeune conseiller municipal, que nous appellerons Madou pour des raisons de discrétion, s’approcha du coli et se renseigna sur sa destination. Lejeune homme avait compris que l’opération sentait l’odeur du vol et de la magouille. Comme conforter Madou, pour toute réponse, le chauffeur et son apprenti prirent la poudre d’escampette. Alors, Madou a aussitôt, fait venir un huissier pour constater. L’huissier a compté 85 sacs dans le camion et 5 sacs entreposés non loin là dans un magasin. Une foule vint entourer le camion. Dans cette foule, il y avait trois autres conseillers municipaux. Madou les prit pour témoins et ensemble ils rédigèrent une lettre de dénonciation adressée au sous-préfet de Sokolo dont relève Dogofry, avec ampliation au préfet de Niono, au Gouverneur de la Région de Ségou et au Commissaire à la sécurité alimentaire.
Deux jours après, soit le 04 août 2019, sur ordre du préfet, le sous-préfet est venu renouveler la commission de distribution. Une nouvelle commission a été mise en place.
Aucune réaction des autorités n’ayant été observée jusqu’en novembre en ce qui concerne les forfaitures, alors le mardi 12 novembre 2019, Madou et ses camarades ont déposé une plainte auprès du procureur du tribunal de première instance de Niono. Après examen de la plainte, le procureur a saisi la brigade de gendarmerie de Niono.
Deux jours après, le jeudi 14 novembre 2019, le chef de brigade de la gendarmerie a convoqué les membres de l’ancienne et de la nouvelle commission de distribution pour les entendre.
De l’enquête préliminaire des gendarmes, il est ressorti ce qui suit :
- Un membre de la 1ère commission aurait remis à une personnalité administrative une importante somme d’argent en espèce.
- In fine, la 2ème commission a constaté que sur les 590 sacs, 150 sacs manquaient soit environ 26% de la donation ou encore sur les 59 Tonnes, 15 Tonnes ont disparu ; soit plus du quart de la donation.
- La nouvelle commission de façon transparente, a élaboré un projet de répartition et a effectivement procédé à la distribution de 440 sacs qu’ils ont hérités de la 1ère commission démise.
Selon un habitant de Dogofry, Madou et ses camarades sont à féliciter pour leur engagement citoyen. Quant au commissaire à la sécurité alimentaire et le Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, ils sont fortement interpellés par cette affaire.
Au lendemain de la rentrée judiciaire, les populations locales attendent beaucoup de la justice dans cette affaire. Elles ne veulent que l’application de la loi, rien que la loi mais toute la loi.
(Affaire à suivre)
La rédaction