Mali : Grève des enseignants, Mohamed Ali Bathily dit tout sur la crise de l’article 39

Depuis des mois, l’école malienne est fortement perturbée par des incessants mouvements de grève du corps enseignant. Le goulot d’étranglement entre le gouvernement et les enseignants est à rechercher dans l’article  39 de la loi N°2018-007 du 16 Janvier 2018.

Comment comprendre le dysfonctionnement et tout ce bruit autour de l’application de ce fameux article de lois ?

Pour répondre à la question, Mohamed Ali Bathily,  l’ancien ministre de la justice, non moins opposant au régime, a parlé dans une vidéo diffusée sur les médias sociaux. Dans une interview, l’homme de droit explique tout sur l’article 39.

Lisez la traduction intégrale de cette interview.

Journaliste : Comment devons-nous interpréter l’article 39 ?

Bathily : Pour interpréter une loi, les juristes font la nuance entre l’esprit et la portée de la loi. Les enseignants ont obtenu le statut autonome qui est la suite logique de leur retrait du statut général des fonctionnaires. Lequel statut va leur octroyer plus de droit. Sans quoi, ce reclassement n’aurait aucun sens. Ce que je pense, c’est que le statut général des fonctionnaires a bénéficié d’une majoration de 140 points. De 900 à 1200 points contre 1060 pour le statut autonome des enseignants. Alors que l’article 39 de la loi stipule que « Toute majoration des rémunérations des fonctionnaires relevant du statut général, s’applique de plein droit au personnel de l’enseignement secondaire, fondamental et de l’éducation préscolaire et spéciale ».

En se référant à cette loi, les enseignants doivent bénéficier d’une majoration de 140 points. Le gouvernement  devrait prendre une autre loi pour dire que certains fonctionnaires relevant du statut autonome seront majorés au même point indiciaire que celui du statut général

Journaliste : Quelles solutions à ce problème ?

Bathily : C’est la loi qui gouverne  un pays. Elle doit être appliquée à tous les citoyens sans exception. On ne doit pas faire plaisir à qui que ce soit. L’application de la loi ne doit pas être sélective. Elle est applicable à tous. C’est dans cela que l’ordre sera respecté et nous serons épargnés des conflits de tout genre.

Si toi, tu demandes à ce que ta volonté soit faite au détriment des autres parce que tu penses que tu as le pouvoir ; personne ne possède un pouvoir si la loi ne lui octroie.

Si tu prends une loi qui t’a donné des droits, n’oublie pas que celle-ci octroie à d’autres les mêmes. Tu ne peux prendre pour toi et rejeter pour les autres.

Journaliste : Le gouvernement estime qu’il y a incompréhension quant à l’interprétation de l’article39, qu’il était dit de mettre les points indiciaires au même niveau de majoration. Que pensez-vous ?

Bathily : S’ils le disent, c’est ce qu’ils pensent, sinon le statut autonome a une  signification. Tu sais que c’est pour bénéficier des avantages qui ne se trouvent pas dans le statut général. Si tu ramènes les points indiciaires au même niveau, ça veut dire que l’obtention du statut autonome n’a servi à rien. Travaillons avec les textes et cessons de faire ce qu’on veut dans ce pays. C’est un droit pour les enseignants ; accordons-les.

Journaliste : D’autres catégories de  travailleurs ont-ils le statut autonome au Mali ?

Bathily : Les magistrats ont un statut particulier tout comme beaucoup d’autres. Nous demandons à ceux auxquels nous avons confié la gestion du pays, d’appliquer et cesser de gérer le pays comme bon leur semble.

La seule volonté des dirigeants ne fera qu’attiser le feu entre les maliens. Appliquons purement et simplement la loi car tout ce que tu feras, force restera toujours à la loi.

Si nos enfants n’ont pas étudié c’est vraiment un problème. On peut dire que les enseignants ne sont pas allés en classe, mais ce n’est pas de leur faute. C’est plutôt celui qui fait ce qu’il veut, en ignorant la loi, qui est le fautif. Il ne faut pas détruire l’avenir des enfants au profit de ta propre volonté.

Journaliste : Cela veut dire que ceux qui ont adopté cette loi se sont trompés ?

Bathily : Peut-être qu’ils se sont trompés ou s’ils  ne savent pas. Alors  qu’ils fassent appel aux experts.  Si vous  prenez une loi, il faut bien lire entre les lignes du projet de loi avant son adoption à l’Assemblée nationale

Journaliste : Le gouvernement veut procéder au recrutement de 15300 volontaires. Certains ont pensé que l’État veut faire remplacer les enseignants grévistes. Qu’en pensez-vous ?

Bathily : Les enseignants peuvent revendiquer leurs droits, mais cela n’est pas synonyme de licenciement. Le gouvernement jouit de tous ses droits ; pourquoi refuser d’accorder les mêmes  aux enseignants ? Plutôt que de recruter des volontaires pour 6 mois, il faut les recruter de façon définitive. Mais le recrutement ne doit pas être motif de déstabilisation du mouvement de grève.

Journaliste : Est-ce que le recrutement de ces derniers ne sera t- il pas un motif pour l’État de rompre définitivement les négociations enclenchées avec les enseignants ?

Bathily : N’opposez pas les travailleurs d’un même corps. Ne nourrissez pas des sentiments de haine entre les enseignants. Qu’on fasse attention à cela.

Source : Autre Presse (Transcris par Ya Bagayoko)

 

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