Barkhane: « Nos hommes iront toujours au bout de l’engagement », assure le patron du GTD Richelieu

le colonel Jean-François Calvez de Barkhane
photo DR

Chef du corps du 2e Rima du Mans et commandant du groupement tactique désert 1 Richelieu sur l’opération Barkhane, le colonel Jean-François Calvez est depuis février engagé au Mali. La mission, le rôle du chef, la résilience face à la mort… Il a répondu aux questions de Pascal Simon, de Ouest-France, qui s’est rendu à Gao, il y a quelques jours.

Vous commandez le 2e Rima et, depuis février, vous êtes à la tête d’un groupement tactique de l’opération Barkhane, au Mali. Est-ce une mission de nature différente ?

À la tête de son régiment en France, ou à la tête d’un groupement tactique, cela ne change rien sur le fond. J’ai un état-major qui m’aide à prendre des décisions. Le chef de corps est là pour décider et assumer. Mais sur la forme, commander une entité comme le groupement tactique désert 1 Richelieu est absolument différent. Un régiment est une unité constituée qui fait corps. Ici, à la tête du GTD 1 Richelieu, je commande une boîte à outils, un groupement composé de plus de 600 hommes (dont 280 issus des rangs du 2e Rima) et une centaine de véhicules, qui a la capacité à intégrer toutes les capacités interarmes, voire interarmées. Et ici au Mali, le terrain est notre principal ennemi, il s’impose à nous. Tout déplacement en véhicule est une mission en soi et nécessite de mettre en œuvre tous les moyens à disposition.

Entre la mi-mars et le début du mois d’avril, vous avez dirigé une importante opération dans la région du Gourma. Comment a-t-elle été décidée et organisée ?

Une période de deux à trois semaines avait été figée entre mars et avril depuis plusieurs mois, dans l’objectif de mener une opération du niveau d’un commandement complet. La zone précise a été calée ensuite. Cela a exigé un important travail pour élaborer une décision opérationnelle : le renseignement en amont, la prévision de la logistique nécessaire, le souci des transmissions, indispensables à un déploiement sur plus de 100 kilomètres. C’est aussi une opération qui mobilise les équipes des actions civilo-militaires de Barkhane pour prendre le pouls du terrain en établissant une « cartographie humaine de la zone », etc. C’est une opération interarmées, c’est complexe. Il faut aller vraiment dans le fond des choses. Car une fois que c’est lancé, on ne peut pas revenir en arrière.

Aviez-vous déjà eu l’occasion de planifier une telle opération ?

Barkhane, c’est ma dixième opération extérieure (Opex), et la deuxième au Mali. J’ai été le chef opérations du 3 Rima de Vannes pour les opérations Sangaris et Serval. J’étais à ce titre chargé de la mise en œuvre opérationnelle des décisions du chef de corps.

En terme d’expérience de terrain, qu’apporte une opération comme Barkhane à un soldat ?

Pour comprendre, il faut mettre l’opération Serval puis Barkhane en perspective avec le déploiement de la France en Afghanistan que l’on a quitté en 2012. Serval débute en 2013. L’expérience de l’Afghanistan a permis de faire Serval puis Barkhane. Pour les hommes, cette opération est une excellente école qui permet à toutes les unités de l’armée française de se croiser. Sur 4500 soldats déployés en tout, 1500 sont actuellement issus de régiments appartenant à la 9e brigade d’infanterie de marine (9e Bima). Le jeune marsouin du 2e Rima va découvrir d’autres fonctions, d’autres métiers : les transmetteurs, les pilotes d’hélicoptères, etc. Sur le plan culturel et en terme de « brassage », c’est extrêmement bénéfique.

Pour le 2e Rima, l’opération Barkhane est-elle aussi une bonne vitrine pour le recrutement ?

Le 2e Rima n’a aucun problème à recruter. Quand les jeunes s’engagent chez nous, c’est au titre du régiment, pour faire ce que nous faisons ici, sur Barkhane. Nous sommes très attachés à la politique de rayonnement du régiment, en racontant son histoire. Le 2e Rima est le seul à arborer un drapeau avec seize inscriptions dans les plis. Historiquement, le 2e Rima est l’un des trois vieux régiments, créés par Richelieu en au début du XVIIe siècle (1638).

Comment faites-vous connaître l’histoire et les valeurs du régiment aux jeunes ?


Par les réseaux sociaux, grâce à des vidéos, des photos, qui leur parlent. Nous avons aussi publié un livre qui retrace l’histoire du régiment. Nous recrutons sur un large territoire, car entre la côte normande et le Val de Loire et entre Paris et Rennes, il n’y a plus que nous. C’est une donnée à prendre en considération, car un régiment, c’est aussi un environnement. Le 2e Rima est un camp qui s’étend sur 850 hectares, en dehors de la ville. Un régiment façonne les hommes, c’est un état d’esprit. La Sarthe, c’est rude. Le footing en novembre, dans la boue, c’est tonique !

Une armée, c’est du matériel mais surtout de l’humain. Quelles sont vos premières préoccupations ?

C’est d’abord l’état sanitaire de la troupe. Sur Barkhane, le matériel atteint un taux de disponibilité qui est remarquable. Mais mon principal « outil », c’est l’homme. Or, dans le cadre d’une telle opération, la chaleur ça ne pardonne pas. Certes, la moyenne d’âge de mon régiment est de 26 ans. Mais il faut être attentif au rythme, tendre l’oreille pour avoir les prémices des signes de faiblesse. Coup de chaleur, blessure, accident en descendant d’un véhicule, gestion de la fatigue…

Sur le terrain, le chef a donc un rôle primordial…

Il faut savoir en permanence réguler la manette des gaz. Entre endurance et résilience, il faut entretenir le soldat. Or, les gars ont horreur de ne rien faire. Par moments, il faut aussi les protéger d’eux-mêmes. Cela exige d’être très rigoureux dans le commandement, à tous les échelons, pour que la troupe se tienne bien et ne se « laisse pas mourir ». Sur le terrain, nos hommes se découvrent des talents, ils iront toujours au bout de l’engagement. Mais ce ne sont pas des monstres froids, ils ont besoin de reconnaissance.

Vous évoquez la capacité de résilience du soldat. En opération, il peut être confronté à la mort. Comment est-ce pris en compte ?

Une unité peut prendre un coup. Je sais que les hommes repartiront toujours, qu’ils iront à chaque fois au bout de la mission, quoi qu’il arrive. Mais c’est après la poussière des combats qu’il faut être attentif. Quand l’adrénaline retombe, des fissures, des fragilités peuvent apparaître. Alors le chef de section, qu’il soit un adjudant ou un lieutenant, doit ouvrir les yeux, il est le premier maillon de la chaîne, son rôle est essentiel.

Source : Ouest France

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