LA CEDEAO S’ENLISE DANS LA VIOLATION EHONTEE DE LA PROCEDURE DE RETRAIT DU BURKINA, DU MALI ET DU NIGER

La CEDEAO reste décidément le modèle parfait d’organisation internationale qui nage en permanence dans le bain du tripatouillage de ses textes de base. Alors qu’elle n’a toujours pas soldé les comptes parfois mortifères de ses égarements juridiques à l’origine du départ des Etats de l’AES, elle récidive en s’embourbant dans des violations flagrantes de ses dispositions conventionnelles relatives à la procédure de retrait d’un Etat membre de l’organisation.

Le retrait d’une organisation apparaît cependant comme un acte de souveraineté par excellence que les traités constitutifs n’osent d’ailleurs encadrer que de manière limitée par un formalisme plutôt minimal. C’est la raison pour laquelle les tergiversations auxquelles on assiste dans le camp de la CEDEAO peuvent être considérées comme attestant des perversions de la croyance naïve dans une illusoire intégration ouest-africaine extravertie, finalement interprétée comme un ordre de bannissement à perpétuité dans une sorte de colonie pénitentiaire de la CEDEAO dont les clés seraient détenues par des chefs d’Etat valets.

CE QUE DIT L’ARTICLE 91-1 DU TRAITE

En principe, le retrait d’une organisation ne produit d’effet qu’après l’écoulement d’un certain délai suivant la notification de la décision. L’objectif visé par ce délai est double. D’une part, donner à l’Etat membre concerné, la possibilité de réexaminer éventuellement sa position avant l’échéance du terme fixé, des faits nouveaux pouvant l’amener à se raviser.
D’autre part, permettre à l’organisation d’anticiper les conséquences futures qui découleraient dudit retrait, en termes d’engagements des autres Etat membres et en termes d’avenir pour elle-même.

C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le point 1 suivant de l’article 91 du traité révisé de la CEDEAO : « Tout Etat Membre désireux de se retirer de la Communauté notifie par écrit, dans un délai, d’un (1) an, sa décision au Secrétaire Exécutif qui en informe les Etats Membres. A l’expiration de ce délai, si sa notification n’est pas retirée, cet Etat cesse d’être membre de la Communauté ».

La clarté de cet article 91-1 est tel qu’il ne s’accommode d’aucune marge possible d’inutiles exégèses. Parallèlement, la décision conjointe de retrait du Burkina, du Mali et du Niger est d’une « radicalité » telle qu’il fallait une bonne dose de naïveté sinon de mauvaise foi, pour douter de son caractère décisif et ne pas se rendre à l’évidence que les trois Etats ne badinaient point.

DE L’INOPPOSABILITE DU DELAI D’UN AN AUX ETATS DE L’AES

Cette « radicalité » est à la mesure du mépris affiché par les chefs d’Etat de la CEDEAO envers les textes de l’organisation. En ce sens, l’inapplicabilité opposée par le Burkina, le Mali et le Niger apparaît comme la rançon du banditisme juridique d’une organisation décrédibilisée, qui piétine ses textes fondateurs et même les décisions de sa justice communautaire.

L’exception d’inexécution dont ils se prévalent ainsi a consisté de leur part à faire l’impasse sur le délai d’un an imparti par donner plein effet à leur retrait.

C’est en réaction aux agissements illicites des Chefs d’Etat que le Burkina, le Mali et le Niger se sont à bon droit exonérés de l’obligation du délai de grâce annuel.

La CEDEAO étant devenue un sujet de droit irrespectueux de ses textes fondateurs, l’effet immédiat reconnu au retrait des trois pays qui vient répondre à cette délinquance de l’institution est juridiquement couvert par le fait générateur de l’illicéité des sanctions prises à leur encontre. De ce fait, les Chefs d’Etats se trouvent devant le fait accompli de l’expression souveraine de la perte volontaire de leurs statuts d’Etats membres de la CEDEAO par le Burkina, le Mali et le Niger.

Que pouvait d’ailleurs faire la CEDEAO, n’ayant aucun moyen d’exécution forcée à l’encontre des trois Etats ? Certes de manière tout à fait fictive, elle continue de se bercer d’illusions quant à la non-reconnaissance de l’effet immédiat du retrait des trois Etats. Mais face à la dure réalité qui la rattrape, le point 2 de l’article 91 lui est resté en travers de la gorge. Depuis leur décision du 28 janvier 2024, le Burkina, le Mali et le Niger ne se considèrent plus engagés par aucune obligation de la CEDEAO.

L’APPLICABILITE AUTOMATIQUE DE L’ARTICLE 91-1 COMME CONSEQUENCE DE LA NON-RECONNAISSANCE DE L’EFFET IMMEDIAT DU RETRAIT

A défaut pour la CEDEAO d’acter l’effet immédiat de la décision conjointe irréversible de retrait des trois Etats, il ne lui reste pour seule et unique issue que le recours à l’article 91-1 du traité révisé.
Conformément aux dispositions pertinentes de cet article, les trois pays cesseront automatiquement d’être membres de la CEDEAO à l’expiration du délai d’un an suivant la notification de la décision de leur retrait qui correspond au 29 janvier 2025. Telle est la trajectoire juridique du traité révisé de la CEDEAO que la Conférence des Chefs d’Etat a l’obligation de respecter, au lieu de s’égarer dans de superflues négociations sans issues avec les Etats de l’AES.

La CEDEAO aurait dû concentrer ses actions sur les conditions du retrait et ses répercussions sur l’organisation. Elle devrait en l’occurrence s’attacher à prendre les mesures nécessaires pour faire face aux conséquences juridiques et financières qui découleraient du retrait et éviter, autant que faire se peut, que le fonctionnement de l’organisation n’en soit gravement affecté.

C’est ici et maintenant et pas dans l’intervalle irrégulier de l’illicite période transitoire de six (06), que les Chefs d’État doivent charger la Commission de la CEDEAO d’élaborer un plan de séparation qui entrera en vigueur à partir du 29 janvier 2025. Un plan de séparation à faire adopter par un Conseil des ministres extraordinaire devant définir les modalités des nouvelles relations de l’AES avec ce qui reste de la CEDEAO.

DE LA PERTE AUTOMATIQUE PAR LE BURKINA, LE MALI ET LE NIGER DU STATUT D’ETATS MEMBRES DE A LA DATE DU 29 JANVIER 2025

L’on sait que de leur point de vue, depuis le 28 janvier 2024, le Burkina, le Mali et le Niger ont quitté la CEDEAO qui ne représente plus pour eux qu’un triste et lointain souvenir. La CEDEAO qui fait la sourde oreille ne les impressionne guère. Elle s’obstine à nier l’évidence en se retranchant derrière l’article 91-1 qu’elle soumet toutefois à des tripatouillages juridiques.

En effet comme à son habitude, plutôt que d’appliquer l’article 91-1 du traité, les Chefs d’Etat décident ex nihilo d’instituer de manière arbitraire, une soi-disant « période de transition » supplémentaire de 6 mois allant du 29 janvier au 29 juillet 2025, afin paraît-il de « maintenir les portes de la CEDEAO ouvertes aux trois pays ». Mais la réalité est qu’il n’est tout simplement pas possible d’ouvrir une porte murée avec du béton du fait que le traité de la CEDEAO ne prévoit pas de délai supplémentaire au-delà de la période de grâce d’un an. La CEDEAO prend ses délires pour de la réalité.

Cette illicéité de trop dans les pratiques de la Conférence des Chefs d’Etats est un mépris de plus affiché à sa 66ème session ordinaire du 15 décembre 2024 au Nigéria, au regard de l’article 91-1, avec la complicité du parlement de la CEDEAO. Il faut même préciser que la Conférence des Chefs d’Etat a agi sur commande de se pseudo parlement qui, le 13 décembre 2024, a officiellement demandé que « la Conférence des chefs d’État et de gouvernement adopte une mesure extraordinaire de prorogation du délai de retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger prévu pour le 29 janvier 2025, afin de laisser place à de nouvelles réflexions et négociations qui éviteront la désintégration de la Communauté ».

C’est donc en bande organisée en duo que les deux organes communautaires ont procédé à la mise à sac de la procédure de retrait de la CEDEAO. Le délai supplémentaire de 6 mois au-delà de l’effectivité du départ des trois Etats opère une nouvelle procédure de retrait en marge du texte fondateur de la CEDEAO qu’il viole allègrement.

L’on sait qu’il existe dans chaque organisation internationale, un ordre hiérarchique entre le traité de base à caractère de « constitution » et les actes dérivés à caractère de normes inférieures pris par les organes et qui doivent lui être conformes. En tant que droit communautaire original ou primaire, l’article 91 du traité se situe au sommet de la hiérarchie normative de la CEDEAO et prévaut sur toute décision de la Conférence des chefs d’Etat qui relève du droit communautaire dérivé.

La Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement ne peut exercer que les pouvoirs que lui confère le traité de base. Or ce dernier ne lui reconnaît pas un pouvoir de révision du traité dont les conditions et modalités sont fixées à l’article 90 ainsi qu’il suit :
1. « Tout Etat membre peut soumettre des propositions en vue de l’amendement ou de la révision du présent Traité ».
2. « Toutes les propositions sont soumises au Secrétaire Exécutif qui les communique aux Etats membres, trente (30) jours au plus tard après leur réception. La Conférence examinera les propositions d’amendements ou de révisions à l’expiration d’un délai de trois mois accordé aux Etats membres ».
3. « Les amendements ou révisions sont adoptés par la Conférence conformément aux dispositions de l’Article 9 du présent Traité et soumis à tous les Etats Membres pour ratification selon leurs procédures constitutionnelles respectives. Ils entreront en vigueur conformément aux dispositions de l’article 9 du présent Traité ».

La période transitoire supplémentaire s’assimile à une révision irrégulière déguisée de la procédure de retrait prévu à l’article 91-1. Un tripatouillage juridique de plus de la part d’une CEDEAO marionnette qui n’éprouve que du mépris aussi bien pour ses textes fondateurs que pour les populations des Etats membres.

Source : Pr Brahima FOMBA

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