Université au Mali : 28 ans d’espoir et de défis pour bâtir l’avenir 

Depuis près de trois décennies, les universités maliennes se veulent les piliers du développement intellectuel et économique du pays. À travers la formation des cadres, la production de savoirs et la promotion de la recherche scientifique, elles ambitionnent de jouer un rôle déterminant dans l’émergence du Mali. Mais alors que le pays célèbre 28 années d’enseignement supérieur organisé, l’heure est au bilan : ces institutions ont-elles réussi à répondre aux attentes des Maliens ? Si des avancées ont été enregistrées, les défis structurels et contextuels freinent toujours leur plein potentiel. L’histoire contemporaine des universités maliennes commence en 1996 avec la transformation des écoles supérieures en Université du Mali, puis l’université de Bamako. Cette réforme visait à combler le vide laissé par l’absence d’institutions universitaires nationales capables de répondre aux besoins de formation. L’objectif était clair : former des professionnels qualifiés pour relever les défis économiques, sociaux et politiques du pays. Progressivement, d’autres établissements ont vu le jour, notamment l’Université de Ségou en 2012 et l’Université des Sciences, des Techniques et des Technologies de Bamako (USTTB). Ces institutions, réparties entre différentes régions du Mali, offrent aujourd’hui une diversité de formations dans des domaines allant des sciences humaines aux sciences appliquées, en passant par la médecine et l’agriculture. Le premier constat frappant est l’explosion des effectifs. L’enseignement supérieur, autrefois réservé à une élite, s’est démocratisé. L’Université de Bamako, érigée en plusieurs universités aujourd’hui, accueille désormais plus de 100 000 étudiants, un chiffre qui illustre à la fois la croissance démographique et la prise de conscience collective de l’importance de l’éducation. Cette forte demande témoigne d’une jeunesse avide de connaissances et déterminée à construire son avenir à travers l’apprentissage. Cependant, cette massification s’accompagne de multiples défis. L’une des problématiques majeures est l’insuffisance des infrastructures. Les salles de classe sont surchargées, les laboratoires souvent obsolètes, et les bibliothèques manquent cruellement de ressources actualisées. Par exemple, à l’Université de Ségou, de nombreux étudiants doivent suivre des cours dans des bâtiments provisoires, tandis que les résidences universitaires sont incapables d’accueillir tous les étudiants en situation de précarité. Cette pression sur les infrastructures entraîne une dégradation des conditions d’apprentissage et affecte directement la qualité de l’enseignement. À ces défis matériels s’ajoute un problème de gouvernance. Les grèves récurrentes des enseignants, souvent dues à des revendications salariales ou des désaccords sur les réformes éducatives, perturbent régulièrement le calendrier académique. Ces interruptions fréquentes ont pour conséquence de rallonger les cycles universitaires, retardant ainsi l’intégration des diplômés dans le marché du travail. L’un des paradoxes les plus préoccupants reste l’inadéquation entre les formations proposées et les besoins réels du marché du travail. Si des milliers d’étudiants obtiennent chaque année des diplômes dans des filières comme les sciences humaines ou le droit, peu d’entre eux trouvent un emploi en rapport avec leur spécialisation. En revanche, des secteurs clés comme l’agriculture, l’industrie ou les technologies de l’information peinent à recruter faute de candidats qualifiés. Cette inadéquation alimente un chômage endémique des jeunes diplômés, menaçant de créer une génération désabusée et frustrée. Malgré ces obstacles, les universités maliennes ont également marqué des points dans certains domaines. La recherche, bien que limitée par un manque de financement, a produit des avancées notables. L’Université des Sciences, des Techniques et des Technologies de Bamako est reconnue pour ses travaux sur la santé publique, notamment dans la lutte contre le paludisme et d’autres maladies tropicales. De même, des recherches en agriculture ont permis d’identifier des solutions innovantes pour améliorer la résilience des cultures face aux défis climatiques. Ces succès témoignent du potentiel inexploité de ces institutions et de leur capacité à contribuer au développement national si elles disposent de moyens suffisants. Pour que l’université joue pleinement son rôle, plusieurs leviers doivent être activés. D’abord, un investissement accru dans les infrastructures est indispensable. Cela inclut non seulement la construction de nouvelles salles de classe et laboratoires, mais aussi la modernisation des équipements existants. Parallèlement, une réforme en profondeur des programmes éducatifs est nécessaire pour les aligner sur les besoins actuels et futurs du marché. Cela passe par une collaboration étroite entre les universités, les entreprises et les décideurs politiques. La numérisation constitue également une opportunité à saisir. Le développement de plateformes d’apprentissage en ligne pourrait non seulement élargir l’accès à une éducation de qualité, mais aussi permettre aux étudiants d’acquérir des compétences numériques, devenues essentielles dans le monde moderne. Enfin, la valorisation de la recherche scientifique doit être au cœur des priorités. En mobilisant davantage de ressources nationales et internationales pour financer la recherche, le Mali pourrait transformer ses universités en pôles d’innovation régionaux. En 28 ans, les universités maliennes ont franchi de nombreuses étapes, mais elles doivent désormais surmonter les obstacles qui freinent leur performance. Dans un pays confronté à des défis multiples, de la pauvreté à l’instabilité sécuritaire, l’enseignement supérieur peut être un levier puissant de transformation sociale et économique. Il appartient aux autorités, aux partenaires internationaux et à l’ensemble de la communauté universitaire de travailler main dans la main pour bâtir un système éducatif capable de répondre aux aspirations des Maliens et de contribuer à l’émergence d’un Mali prospère et autonome. L’avenir du pays repose sur une conviction forte : investir dans la jeunesse, c’est investir dans le développement. Si les défis sont nombreux, le potentiel l’est tout autant. L’université malienne, moteur de connaissances et d’espoir, mérite les moyens nécessaires pour jouer son rôle dans cette quête de progrès.

Boubacar Djigui Diarra

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