Le 30 novembre 2017 à Accra au Ghana, en recevant le président français Emmanuel Macron, le président ghanéen Nana Akufo Addo a déclaré :
″ Nous devons nous débarrasser de cette mentalité de dépendance qui nous amène à nous demander ce que la France peut faire pour nous. La France fera ce qu’elle a à faire pour son propre bien et si cela coïncide avec nos intérêts, « tant mieux », comme disent les Français. Mais notre principale responsabilité en tant que leaders, citoyens, c’est de réfléchir à ce que nous devons développer pour nos propres pays. ″ Bien que destinés au président français, on constate que ces propos s’adressaient en réalité à ses pairs et principalement à ses pairs francophones.
Concernant la situation sécuritaire dans notre pays, on pourrait paraphraser le président ghanéen, en remplaçant le mot France par Barkane, Minusma et Force G5 ; et la dernière phrase par : « Aussi, notre principale responsabilité en tant que leaders et citoyens maliens, c’est de réfléchir à ce que nous devons faire pour assurer notre propre sécurité. »
Dans quel pays a-t-on vu des combattants venus d’ailleurs assurer la sécurité de tout un pays ? Aussi bien dans l’Antiquité, la Renaissance ou les Temps modernes, on n’a jamais vu un pays se défendre grâce uniquement aux forces étrangères. Au siècle dernier, lors de l’invasion allemande, les forces alliées ont trouvé une frange de la France debout qui n’a jamais accepté l’occupation. Les forces alliées ont été d’un appoint certes décisif mais pas total. Dans toutes les guerres de libération menées par les africains : Algérie, Angola, Guinée Bissau, Mozambique Zimbawe etc. C’était les populations locales qui étaient en première ligne. Mais des populations organisées par des leaders charismatiques, patriotiques qui ont acquis la confiance de leurs peuples par leurs actions concrètes et leur comportement et non par leur verbiage.
C’est dire qu’il faut repenser notre sécurité. Les expériences de ces dernières dizaines d’années ont montré les limites d’une intervention étrangère dans un pays. L’Afghanistan, la Somalie, l’Irak sont des exemples patents. Les Nations Unies sont au Congo depuis 1965. Et ce n’est pas pour autant que ce pays soit totalement « pacifié ». En 1994, la présence de la MIMUAR au Rwanda n’a pas empêché le génocide des Tutsis En singeant les nations développées, qui sont en une phase de développement technologique de plusieurs années-lumière d’avance sur nous et dont l’organisation sociale est différente de la nôtre, nous avons confié notre sécurité exclusivement aux forces professionnelles : armée nationale, gendarmerie nationale, garde nationale, police nationale etc.
Avec l’apparition dans le pays, de groupes armés, soi-disant laïcs ou religieux mais la plupart du temps instrumentalisés et avec des connexions internationales, l’expérience montre que le modèle adopté n’est pas une clé pour notre sécurité. Nous devrions partir de nos réalités anciennes pour l’adapter à la réalité actuelle. Cette organisation de défense collective traditionnelle existe, il suffit de réfléchir. Ce n’est pas par hasard que les confréries des chasseurs se sont spontanément reconstituées. On voit bien que le gouvernement est en déphasage avec les populations quand il parle de désarmer les chasseurs. Notre paresse intellectuelle et notre « mentalité de dépendance » font qu’on crie comme les autres : « Il faut désarmer toutes les milices ! »
Le décompte macabre des victimes civiles et militaires des évènements de Dioura, Guiré, Kolongo, Ogossagou, Sabane Da, Menaka, Kouri… , sans compter les catastrophes naturelles et accidents provoqués la plupart du temps par l’incivisme, corrobore l’idée que les gouvernements successifs, depuis 2013, malgré leur promesse sans cesse ressassée, d’instaurer la paix, la sécurité et la cohésion sociale sur tout le territoire national, ont été inefficaces. Pourquoi donc vouloir persister sur des méthodes inopérantes ?
Si l’on considère la nation comme une construction politique, dont la fonction primordiale est de garantir la cohésion sociale et de faire respecter l’autorité de l’Etat, et le président de la république comme bâtisseur principal de la construction de cet artefact, on peut dire : jusque- là, Laji Burama a été un piètre maçon. Pourrait-il nous démentir d’ici la fin de son mandat ? Pour le bien du Mali, c’est notre intime vœu.
…sans rancune
Wamseru A. Asama