– Neuf ans après le déploiement de l’opération Serval en 2013, devenue Barkhane en 2014, la présence française au Mali est plus que jamais compromise et contestée.
Après des mois de tensions et d’escalade, la rupture entre Bamako et Paris semble inévitable tant le fossé s’est creusé.
Neuf ans après le déploiement de l’opération Serval en 2013, devenue Barkhane en 2014, la présence française au Mali est plus que jamais compromise et contestée.
L’incertitude est, d’ailleurs, croissante notamment depuis l’humiliation infligée à la France avec l’expulsion de son ambassadeur au Mali début février.
« Nos soldats meurent pour un pays qui nous humilie », notait à ce propos le candidat à la fonction suprême, Éric Zemmour, sur son compte Twitter, considérant qu’il faut « repenser la politique africaine de la France ».
Quelles perspectives pour la suite ?
Si Paris n’a pas encore annoncé officiellement ses intentions en matière de présence et de potentielle poursuite de ses opérations militaires, se contentant de lancer, tels des ballons d’essai, les déclarations sur un éventuel retrait du Mali, le sujet devrait largement occuper les discussions au sommet UA-UE qui doit se tenir à Bruxelles les 17 et 18 février prochains.
« Le Mali s’est imposé dans les débats de la présidentielle française et Paris ne peut plus remettre les décisions difficiles à l’après-élection » note à ce propos l’éditorialiste Philippe Bernard, dans une chronique publiée dans Le Monde.
Il estime que la France « n’a pas anticipé l’une des conséquences désastreuses de l’intervention militaire de 2011 en Libye, qui, en faisant éclater ce pays a libéré une masse d’armes et de combattants, source de l’embrasement du Mali ».
« Au Mali, la France paie le prix de sa propre ambiguïté. La position officielle du Quai d’Orsay est de dire qu’elle ne veut plus être en première ligne des affaires internes africaines et que sa seule mission est la lutte contre le jihadisme » considère quant à lui, Antoine Glaser, co-auteur du livre « Le Piège africain de Macron », cité par France 24.
Il considère, par ailleurs, que Paris « veut à tout prix éviter une débâcle à l’afghane » en précipitant son retrait à quelques semaines de la présidentielle.
Les sanctions peuvent-elles changer la donne ?
L’Union européenne (UE) et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont adopté une série de sanctions dès le début de l’hiver, parmi lesquelles figure notamment la fermeture des frontières terrestres et aériennes de ses pays membres avec le Mali.
« On peut se demander comment l’opération Barkhane va pouvoir perdurer », s’interroge Antoine Glaser, soulignant que la situation est compliquée « parce qu’elle (Barkhane) n’a pas d’autre choix, dans ce territoire immense, que d’avoir recours à des moyens aériens mais aussi parce que le déploiement des mercenaires russes du groupe Wagner pose beaucoup de questions opérationnelles ».
Il rappelle ensuite que « le sentiment antifrançais existe déjà dans l’ensemble des anciennes colonies et il est particulièrement fort au Sahel », et pourrait s’accentuer avec les événements en cours.
Et l’auteur de conclure : « Les sanctions de la CEDEAO vont aussi avoir des conséquences très néfastes pour les voisins du Mali » notamment « le Sénégal, qui compte beaucoup sur ses relations commerciales avec Bamako. Toute une partie de son commerce est désormais à l’arrêt ».
Un réchauffement des relations est-il possible ?
Il est important de noter que les tensions trouvent notamment leur source dans le fait que la France refuse de considérer le gouvernement de transition comme légitime, et réclame l’organisation d’élections.
Pour Christopher Fomunyoh, directeur régional pour l’Afrique du National Democratic Institute for International Affairs (NDI), un think tank américain, « il ne faut pas s’alarmer outre mesure » car « l’Afrique a connu de plus graves périodes et les efforts de démocratisation sur le continent ont toujours évolué en dents de scie ».
Dans les colonnes du journal Jeune Afrique, il met en exergue le fait que « l’irruption des militaires sur la scène politique est intervenue dans le contexte assez spécifique des pays concernés, mais il nous oblige à nous interroger sur la solidité de la pratique démocratique et sur le fonctionnement des institutions dans certains de nos pays ».
Il juge, par ailleurs, « difficile d’imaginer les relations entre les deux pays revenir au beau fixe d’ici peu » suite aux « attaques verbales » intervenues « de part et d’autres ».
« Je pense à certaines sorties médiatiques de Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, et de Florence Parly, la ministre française des Armées » précise le spécialiste avant de trancher : « Tant que ces acteurs seront aux affaires, ce sera dur de réconcilier les deux pays ».
À noter enfin qu’Emmanuel Macron avait annoncé dès juin dernier, la fin de l’opération Barkhane pour la remplacer progressivement par la force européenne Takuba.
Il ne s’agissait aucunement, à ce moment-là, d’un quelconque départ du Mali, mais les récents événements pourraient précipiter la fin de la présence française sur place.
Anadolu