La décision de Twitter d’interdire les publicités politiques crée un fort contraste avec le choix radicalement inverse fait par Facebook au nom de la liberté d’expression.
Twitter cessera de vendre des publicités concernant les candidats à une fonction, les élections ou des questions politiques telles que le changement climatique et l’immigration. Une décision annoncée par Jack Dorsey, le cofondateur et P-dg de Twitter pour qui la portée d’un message politique doit être « méritée, pas achetée ».
Selon lui, la publicité sur Internet crée de nouveaux défis qui exigent que Twitter modifie ses pratiques en matière de microciblage de l’audience, de vidéos manipulées connues sous le nom de deepfake et de messages optimisés par l’apprentissage automatique.
« Il ne s’agit pas de liberté d’expression. Il s’agit de payer pour la portée (du message politique, ndlr) », a tweeté Jack Dorsey. « Et payer pour augmenter la portée du discours politique a des ramifications importantes que l’infrastructure démocratique actuelle n’est peut-être pas prête à gérer. »
TikTok a lui aussi interdit les publicités politiques
Le changement de politique de Twitter intervient alors que le débat sur les messages politiques sur les réseaux sociaux s’intensifie à l’approche des élections américaines de 2020. Facebook, qui permet aux politiciens de mentir dans leurs publicités, a été critiqué pour avoir permis la diffusion de fausses informations. Les dirigeants du réseau social ont défendu cette politique, affirmant qu’elle protège la liberté d’expression.
La désinformation a joué un rôle dans l’élection présidentielle de 2016 aux États-Unis, des trolls russes ayant acheté des publicités Facebook dans le but de semer la discorde parmi les Américains. Récemment, TikTok a interdit la publicité politique.
La décision de Twitter a suscité des réactions mitigées de la part de Facebook, des politiciens, des analystes et des défenseurs des droits civils. Certains élus du parti Démocrate ont fait l’éloge de Twitter, estimant que l’interdiction des publicités politiques aidera à protéger la démocratie. L’équipe de campagne pour la réélection du président Donald Trump a considéré cette décision comme un geste visant à censurer le discours conservateur. Les groupes de défense des droits civils et les analystes ont souligné que les politiciens n’ont pas besoin d’acheter des publicités pour toucher un large public et que l’interdiction des publicités pourrait ne pas faire grand-chose pour freiner la propagation de la désinformation.
Facebook droit dans ses bottes
Dans tous les cas, la position de Twitter met un peu plus de pression sur Facebook pour qu’il fasse de même. Hillary Clinton, candidate démocrate à l’élection présidentielle de 2016, a mis au défi le réseau social d’interdire également la publicité politique. « C’est la bonne chose à faire pour la démocratie en Amérique et dans le monde entier », a-t-elle tweeté. Mais Facebook a fait savoir qu’il n’avait pas l’intention de changer d’avis. Lors d’un appel téléphonique avec des analystes après la publication de ses derniers résultats trimestriels, Mark Zuckerberg, le P-dg de Facebook, a estimé que l’interdiction des publicités nuirait aux groupes de défense et aux candidats politiques que les médias décident de ne pas couvrir. « Les publicités peuvent être une partie importante de cette voix », a-t-il dit en soulignant au passage que Google, YouTube ainsi que la plupart des réseaux câblés et les chaines tv nationales diffusent les mêmes publicités politiques que Facebook.
« Dans une démocratie, je ne pense pas qu’il soit juste pour les entreprises privées de censurer les politiciens ou les médias. Et il est difficile de définir où tracer la ligne. Devrions-nous bloquer les publicités pour des questions politiques importantes comme le changement climatique ou la défense des droits des femmes ? »
Comme pour Twitter, les publicités politiques sur Facebook ne représentent qu’une petite partie des revenus de l’entreprise. Mark Zuckerberg a indiqué qu’elles ne généreront probablement que moins de 0,5 % des revenus de Facebook l’an prochain.
Jack Dorsey considère que le pouvoir de la publicité politique sur Internet « comporte des risques importants », car elle peut influencer le vote et affecter des millions de vies. Twitter dévoilera sa politique en la matière le 15 novembre et commencera à l’appliquer à partir du 22 novembre. Il y aura des exceptions, comme les publicités pour l’inscription sur les listes électorales.
Des réactions mitigées
L’équipe de Joe Biden, ancien vice-président de Barack Obama et candidat à l’investiture du parti Démocrate pour la présidentielle 2020, a salué la décision de Twitter. « Nous apprécions que Twitter reconnaisse qu’il ne devrait pas permettre que des calomnies réfutées, comme celles de la campagne Trump, apparaissent dans les publicités sur sa plateforme ».
Dans le camp Trump justement, le choix du réseau social a été qualifié de « décision très stupide ». Selon Brad Parscale, responsable de la campagne Trump 2020, « Il s’agit d’une nouvelle tentative de faire taire les conservateurs, puisque Twitter sait que le président Trump a le programme en ligne le plus sophistiqué jamais connu ».
Source : Cnet.com