Tribune :  Abdelmadjid Tebboune, ce drôle d’ami !

La dernière sortie du président Algérien, Abdelmadjid Tebboune, au sujet du Mali et de la « non intégration » de nos populations du nord dans nos institutions, laisse perplexe plus d’un.

Selon lui, « l’argent dépensé pour les mercenaires russes [Wagner] serait plus utile s’il était investi dans des projets économiques au Sahel ».

C’est là la substance de sa déclaration, à un confrère français, rapportée par différentes sources.

C’est à se demander si, en se hasardant dans des propos aussi désarticulés sans preuves, Tebboune sait que le journal en question sera lu au Mali. Car, avec nos voisins algériens, l’on ne s’étonnera plus de rien, après les propos ubuesques de son entraîneur national de football, Djamel Belmadi, écartant toute idée d’une « africanité » de l’Algérie. Ce dernier, au vu de son parcours intellectuel, de ses origines hybrides (franco-algériennes), du peu de responsabilité qu’il a, peut se faire pardonner pour de tels errements, après une défaite des Fennecs qui le prive de mondial et qu’il avait conduits peu avant au sacre continental. On peut aussi lui pardonner, sans doute, son inculture anthropologique sur le peuplement du sol algérien, en référence aux nombreuses peintures rupestres parmi les plus anciennes du Sahara, prouvant incontestablement la présence antérieure des civilisations « non arabes » dans cette partie de notre continent. Quid du peuplement antérieur berbère, un peuple profondément métissé avec les autres peuples du Sahara et du Sahel. Cerise sur le gâteau anthropologique : la science moderne est sans équivoque sur « l’africanité originelle » de la terre des hommes, quelle que soit la couleur de la peau ou l’espace occupé aujourd’hui sur notre planète.

Mais venant de Tebboune, l’on ne peut s’empêcher de faire un rapprochement avec ses propos dans la même interview sur « la relation de confiance » entre Alger et Paris et l’appel de tous ses vœux à  « une nouvelle ère avec la France ». Le Monde dixit.

Ainsi, l’on comprend mieux cette volonté actuelle du pensionnaire du palais d’El Mouradia, qui voit la brindille dans les yeux du voisin malien, oubliant la poutre, de sa politique d’exclusion des Algériens, dans ses propres yeux.

Sa sortie ratée actuelle sur le Mali, la énième après celle du mois d’août 2022 pour inviter : « la junte (sic !) à accélérer le processus de transition… et à retourner à la légalité dans les meilleurs délais »,  interpelle plus que les précédentes, et à plus d’un titre.

D’abord, s’agissant des populations du nord malien, aucun amalgame n’est tolérable sur la multiplicité des ethnies et des communautés dans cette région malienne. Il s’agit bien de populations blanches et noires vivant en symbiose depuis des millénaires jusqu’à l’apparition de l’ irrédentisme Touareg des années soixante. Que tout bon observateur s’accorde d’ailleurs à reconnaître qu’il était d’abord d’essence revendicative sur des questions de développement (propres à l’ensemble du pays) et qui a fini par revêtir la volonté de la partition du pays. Ces populations nord maliennes, composées de différentes couches sociales, ont inscrit leurs noms respectifs dans les institutions maliennes très tôt à l’indépendance et encore de nos jours, en tant que Président de l’Assemblée nationale, Premier Ministre, membres du gouvernement,  Président de la Cour Constitutionnelle, de la Cour Suprême, hauts gradés de l’armée et des corps assimilés, j’en oublie volontiers !

Une présence qui ne se dément pas dans la vie sociopolitique et économique simplement.
Venons-en par contre à cette « drôle d’amitié » qui nous lie à notre impétueuse et inclassable voisine du nord : l’Algérie de Tebboune.

Si pour obtenir son indépendance en 1962,  l’Algérie s’est battue vaillamment, ses meilleurs fils, amis sincères du Mali, n’ont jamais caché l’apport du Mali indépendant dans sa quête de liberté. Son prédécesseur BOUTEFLIKA, surnommé « l’Africain » (sic), n’a-t-il pas fait construire, par devoir de reconnaissance, une villa à Bamako ACI 2000 pour un gouverneur de Gao à l’époque des faits, servant alors de base-arrière à l’Algérie combattante ? Par contre, nous ne pouvons dire la même chose de l’Algérie de Tebboune, qui chaque fois qu’elle nous demande de tendre la main,  c’est pour mieux la mordre.

Ici, un rappel douloureux s’impose, comme les accords « iniques » signés de Tamanrasset à Alger entre 1991 et 2015, à commencer par l’imposture historique du terme Azawad pour désigner tout le nord de notre pays, qui ont fait la part belle aux séparatistes et aux groupes djihadistes affiliés dont certains chefs bénéficient encore de nos jours, semble-t-il, d’une protection à peine déguisée pour combattre notre vaillante armée et commettre des agressions meurtrières contre nos populations.

Que dire de l’accalmie en Algérie, après avoir poussé « ses djihadistes » de l’autre côté de ses frontières ? Elle a bouclé lesdites frontières, léguant au Mali et à son hinterland du Sahel les rébus de sa société, qui ont fini par faire des émules parmi les fils égarés de chez nous.

La non application de l’accord dit d’Alger pourrait, donc, expliquer également cette nouvelle agressivité algérienne à notre égard, n’eût été le peu de chances dudit accord de résoudre notre crise, car elle ne satisfait aucune des parties belligérantes, sans oublier qu’elle a été rendue caduque de fait de l’extension de la crise au centre et au reste même du pays. En effet, c’est une nouvelle donne à prendre nécessairement en compte pour une solution holistique de la crise assurément multidimensionnelle.

Par ailleurs, un pays qui se hisse à notre hauteur quand il est au plus mal, avec l’ancienne puissance colonisatrice et se détourne de nous dès que la France fait montre de mansuétude à son égard, n’est pas digne de confiance. Nombreux sont les Maliens qui l’ont compris et qui se tournent vers le Mali sans nombrilisme aucun.

En effet, le Mali gagne en maturité et l’a démontré suffisamment, en faisant face à l’hostilité des pouvoirs de la sous-région et en s’opposant à la France, quand il a jugé que ses intérêts sont menacés.

Il reste à démontrer qu’en nous éloignant de l’Algérie nous bouclons la boucle des amitiés maléfiques et nous ne pouvons que nous en porter mieux.

Ce, d’autant qu’en d’autre temps et sous d’autres cieux l’Algérie a rappelé ses ambassadeurs (dont celui de Bamako) pour moins que ça.

Dicko Seidina Oumar 

Journaliste – Historien- Ecrivain

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